Micro-algues: faut-il croire au miracle annoncé ?
Dormez braves gens, la science travaille pour vous et va résoudre tous vos problèmes !
C'est ce que laisse penser le reportage de TF1 au sujet de ce nouveau type de production de carburant: le procédé BFS® (BioFuel System).
"C'est au moins aussi incroyable que de changer le plomb en or"
"Des chercheurs (...) ont trouvé la formule miracle"
"C'est une révolution écologique et énergétique qui est déjà en marche"
Telles sont les expressions utilisées par la présentatrice du JT, ce 31 janvier 2011, pour décrire cette production de carburant appelé "pétrole bleu".
Tubes de croissance du phytoplancton (source BFS)
Information filtrée
En tant que conférencier sur l'énergie et la résilience, je ne pouvais pas me permettre de passer à côté d'un tel évènement! Évidemment, ce sont toujours ces petits reportages de quelques minutes qui restent dans les mémoires et qui ressortent au moment du débat avec le public.
J'ai donc voulu me renseigner davantage sur cette technique afin de voir si nous avions effectivement trouvé un produit miracle. Malheureusement, les informations sont rares et le bilan énergie/matière complet du procédé n'est pas diffusé. C'est pourquoi j'ai contacté le service communication de BFS® afin d'en savoir plus.
Aucune information ne m'a été transmise car les tests sont encore en cours et le secret industriel prime. Cependant, je suis en attente d'un appel de l'un des responsables de la société.
Un document disponible sur internet permet tout de même de comprendre et quantifier certains principes, même s'il contient surtout de belles images !
Présentation
Le procédé BFS consiste à récupérer une partie du CO2 issu des émissions industrielles pour alimenter des algues à croissance rapide et produire, grâce au soleil et en 48 heures, un carburant dont les caractéristiques sont équivalentes à celles du pétrole fossile. D'après la société BFS®:
"Il utilise des éléments comme l’énergie solaire (comme source principale d’énergie), la photosynthèse et les champs électromagnétiques associés aux propriétés organiques du phytoplancton (micro-algues marines) pour convertir le CO2 issu des émissions industrielles, en une biomasse puis en un pétrole artificiel similaire au pétrole fossile, sans soufre et sans métaux lourds"
Bilan du système
Pour comprendre le procédé, seul un bilan CO2 est présenté au public. J'ai donc repris et adapté ce bilan sur l'image ci-dessous pour illustrer les enjeux de ce système:
1/ Brûler de l'énergie fossile
La première étape consiste à brûler de l'énergie fossile, qu'elle soit sous forme de pétrole, de gaz ou de charbon, dans une cimenterie, une centrale thermique ou n'importe quelle autre usine qui rejette de grandes quantités de CO2. Pour produire 1 baril de pétrole bleu, il faut brûler l'équivalent de 6 barils de pétrole fossile.
Autrement dit...
Si je vais dans un magasin, que je donne 6 euros et qu'on me rend 1 euro, j'ai quand même dépensé 5 euros. Autrement dit, créer 1 baril de pétrole bleu à partir de 6 baril de pétrole fossile ne fait aucune création d'énergie, il permet simplement d'améliorer le bilan global en consommant 5 barils au lieu de 6 !!
Comment parler de révolution énergétique alors que la production de ce carburant s'appuie sur une consommation constante d'énergie fossile en amont ?
2/ Indispensable soleil
Un élément n'est pas du tout quantifié dans le bilan énergétique du procédé: l'apport solaire indispensable à la photosynthèse des algues. Ne nous y trompons pas, si l'usine test à été installée à Alicante en Espagne, ce n'est pas pour rien, c'est surtout parce que l'ensoleillement est optimal.
A titre de comparaison, l'irradiation annuelle y est supérieure de 16% à celle de Narbonne et de 65% à celle de Dunkerque ! Or d'après le service communication de BFS®, il est certain qu'une usine de ce type à Dunkerque ne serait pas rentable.
Mais les grandes usines industrielles sont elles-situées dans les zones très ensoleillées ?
Il ne sera donc pas possible de faire ce genre de production n'importe où. Je reste en attente de connaître les apports énergétiques solaires indispensables.
Pour information, les prochaines usines seront situées près de Venise en Italie et sur l'île de Madère au Portugal.
Tubes de croissance du phytoplancton (source BFS)
3/ De l'eau pour les algues
Les algues ne peuvent croître que dans un milieu aqueux, c'est à dire dans l'eau. La production d'un baril (159 litres) de pétrole bleu implique l'utilisation de 16 à 20 litres d'eau. Cela peut paraître négligeable, mais les zones les plus ensoleillées sont, par définition, les moins pourvues en eau. Pour rappel, suite à la sécheresse de 2008, une logistique de livraison d'eau potable par bateaux a été mis en place de Marseille vers Barcelone (plus de 1,5 million de mètres cube livrés chaque mois !).
S'il faut désaliniser de l'eau de mer ou importer l'eau douce sur de longues distances, alors le bilan énergétique global sera modifié.
Conclusion provisoire
Le manque de données précises sur cette technologie ne permet pas de conclure de manière définitive. Cependant, je souhaitais souligner ces quelques points importants qui montrent que nous ne sommes pas en présence d'un miracle. En revanche, il s'agit d'une avancée très intéressante du point de vue de la récupération du CO2 industriel.
En terme d'ordre de grandeur, l'usine d'Alicante vise une production annuelle de 220.000 barils sur une surface de 40 hectares. Il faudrait environ 3300 usines de ce type pour produire les 1,6 millions de barils que la France importe chaque jour.
Quoi qu'il en soit, le progrès technique est intéressant, mais ne répond pas aux défis écologiques et énergétiques que nous allons vivre.
A suivre ...
LEFEVRE 08/10/2019 08:42
ludo 24/03/2019 15:30
Sara 25/01/2019 13:11
LumYere 26/12/2018 11:21
Anthony 07/12/2018 10:08