Etats-Unis: La sècheresse va-t-elle briser l'élan productif du shale oil et du shale gas ?
Les Etats-Unis connaissent leur plus importante sécheresse depuis plus de 50 ans, l'industrie du gaz et du pétrole se trouve confrontée à une situation compliquée, mais néanmoins prévisible.
Un article du monde en date du 28 juillet annonce: La sécheresse aux États-Unis s'intensifie à un rythme sans précédent. Les zones agricoles du midwest sont particulièrement touchées alors qu'elles produisent 75% du maïs et du soja américain. Face à une telle situation les restrictions deviennent indispensables et c'est ce qui pose problème à l'industrie pétrolière et gazière.
Carte des zones touchées par la sécheresse
Les USA sont sous le feu des projecteurs en ce moment avec leur "formidable" boom de la production de pétrole et de gaz non-conventionnels. Ils sont devenus le symbole de la nouvelle ère du pétrole, faisant naître l'espoir d'une possible poursuite du modèle de société en vigueur. Les articles et ouvrages se multiplient pour indiquer que le pic pétrolier n'existe plus, que le prix du pétrole a changé la donne et que dorénavant, nous allons vivre une surproduction pétrolière grâce aux formidables progrès technologiques.
Seulement voilà, les hydrocarbures dont il est question sont dans la roche mère, c'est à dire une roche très peu perméable et qui ne laisse pas circuler les fluides. Comme je l'ai expliqué dans un autre article, il faut donc réaliser des fracturations hydrauliques pour permettre au gaz et au pétrole de s'échapper et de remonter à la surface. Non seulement ce type d'exploitation implique un grand nombre de fracturations pour maintenir une production suffisante, mais chacune de ces fracturations nécessite une très grande consommation d'eau douce et c'est là tout le problème !
Le dernier numéro du Oil&Gas Journal (à sortir en kiosque le 30 juillet) fait le point sur ce défi auquel sont confrontés les exploitants: maintenir la production énergétique indispensable à l'économie américaine, malgré un manque d'eau généralisé.
Shale oil (huile de schiste) - Eagle ford et Bakken
Eagle Ford est la seconde région pour la production du shale oil après le Bakken (North Dakota), avec une production supérieure à 500 000 barils par jour. La demande en eau pour l'exploitation dans cette région représente 570 m3 par forage et 22700 m3 pour chaque fracturation . Or aujourd'hui, non seulement les producteurs doivent aller chercher l'eau par camions à plus de 50 km (un camion type transporte 20m3), mais les fermiers qui hier vendaient leur eau à 0,13$/L*, sont très soucieux de voir leurs réserves s'épuiser et refusent de la vendre à 0,2$/L* (+50%). Dans ces conditions, autant dire que la situation inquiète à la fois les compagnies mais également l'ensemble des fermiers de la région. La même préoccupation grandit pour les fermiers du Bakken (première région de production pour le shale oil) quant à la disponibilité de l'eau.
Camion d'eau sur un site de shale gas (Marcellus)source
Shale gas (gaz de schiste) - Marcellus
La région de Marcellus est réputée pour son immense gisement de shale gas (410 Tcf soit 6 fois les réserves prouvées de gaz naturel de l'Union Européenne). La Susquehanna River Basin Commission a suspendu les permis de prélèvement d'eau dans les rivières, ce qui impacte une trentaine de compagnies. La situation déjà difficile de ces entreprises à cause de la baisse des prix du gaz aux USA, risque de s'aggraver avec l'augmentation des coûts liés à l'eau. Selon Chris Faulkner, PDG de Breitling Oil&Gas, il n'est pas impossible que les producteurs s'orientent vers les solutions de désalinisation et de recyclage, bien plus coûteuses, mais qui semblent être les solutions de long terme.
Au-delà des questions économiques, c'est tout simplement pour des raisons techniques liées à l'eau que la production nationale pourrait diminuer et ainsi briser cet élan productif des États Unis, sous le regard curieux des observateurs du monde entier.
Il faudrait tirer les enseignements de ces pratiques extrêmes. Avec l'exploitation excessive des ressources de la roche mère, nous reproduisons l'erreur de l'éthanol de maïs en créant une concurrence entre énergie et alimentation. Nous savons déjà que l'eau est un des plus grands enjeux planétaire, un élément indispensable à la survie de l'Homme, et nous gaspillons cette ressource pour tenter, à travers le prisme de l'énergie, de retrouver une croissance qui ne renaîtra plus de ses cendres.
*Suite au commentaire de Philippe, je précise que ces prix de vente de l'eau sont bien ceux
donnés dans l'article du Oil&Gas journal. Cependant, ils semblent bien trop élevés pour être réalistes car cela représente un coût de 3 à 5 millions de dollar par fracturation, rien que pour
l'eau. On peut raisonnablement supposer que les chiffres réels sont plutôt de 0,13 cents et 0,2 cents plutôt que 0,13$ et 0,2$, soit une erreur d'un facteur 100.
Oliv 02/03/2014 16:42
jean-charles 13/11/2012 10:22
Philippe Labat 12/11/2012 09:57
Jacques Negre 12/11/2012 07:33
Benoît Thévard 12/11/2012 11:45
Philippe Labat 10/11/2012 11:18