Gestion du conflit social d'Air France: de quoi s'inquiéter pour l'avenir !
Depuis plusieurs jours, les médias s'intéressent davantage à une chemise déchirée qu'à 2900 suppressions de postes (300 pilotes, 900 hôtesses et stewards, 1700 personnels au sol). Sans rentrer dans le détail des raisons qui conduisent un conseil d'administration à engager un tel plan social, il y a tout lieu de s'inquiéter sur les conséquences et leurs traitements médiatique et politique.
Cette crise est comme un essai pour ce gouvernement, car le contexte économique n'est pas trop défavorable et la situation est encore gérable. C'était donc le moment de tester ses capacités à gérer la crise de manière équitable, de se préparer à des lendemains qui pourraient déchanter. Pourtant, nos élus prennent clairement parti et soutiennent la violence sociale des puissants face à l'instinct de survie des plus faibles, ils font le choix de la division face à l'épreuve. Lorsque l'on observe cela avec, en arrière plan, les perspectives économiques, climatiques, énergétiques et sociales qui nous attendent, il y a de quoi s'inquiéter.
Pierre Plissonnier, responsable de l'activité long courrier d'Air France malmené par les salariés. Photo AFP
L'absence d'anticipation
Tous les choix politiques actuels tendent à prolonger, le plus longtemps possible, un système à l'agonie. L'obsession pour la compétitivité et la croissance économique empêche le gouvernement de prendre des décisions qui pourraient permettre de choisir plutôt que subir la baisse des consommations d'énergie, la reconversions des industries pour la transition écologique et énergétique, la décentralisation, la résilience face au dérèglement climatique. Même la loi sur la transition énergétique n'est là que "POUR la croissance verte" et reste grandement incohérente et inapplicable.
L'absence de pédagogie
Le monde change et chacun doit pouvoir comprendre pourquoi nos modes de vie devront évoluer. La profusion d'informations qui circulent sur internet contraste avec le vide des journaux télévisés qui continuent de forger les esprits du plus grand nombre. Or, qu'y a-t-il de plus terrible que de découvrir une vérité qui dérange lorsqu'on est au pied du mur ? Je pense qu'un jour ou l'autre, tous les salariés d'Air France (comme ceux d'Airbus et bien d'autres) seront confrontés à la fin du pétrole abondant et que si personne ne l'explique, il y aura bien d'autres chemises arrachées.
Les journéaux télévisés sont souvent le théâtre de demande d'excuses ou de condamnation des actes des salariés, rarement de condamnation des injustices sociales ou de pédagogie constructive.
L'absence de projet
La fracture sociale s'élargit et laisse sur le bord de la route des millions de personnes qui sortent du grand jeu de la mondialisation. Humanitaires, RSA, Pôle Emploi ne parviennent même plus à contenir la misère sociale qui grandit chaque jour. Si au moins notre pays avait un projet, nous pourrions rassurer tous ces salariés qui restent dans la peur et la détresse. Nous pourrions leur proposer de construire une nouvelle économie soutenable, plus équitable, plus coopérative, plus résiliente, plus locale. Moins d'énergie, cela veut dire moins d'esclaves énergétiques et donc plus de travail et moins d'exclusion sociale. Pour en avoir fait l'expérience, on peut diviser par deux ou trois son train de vie, tout en étant socialement comblé. Pour cela, il faut déjà, bien sûr, avoir de quoi vivre, mais il faut aussi avoir pu le choisir et l'anticiper !
Fermeté sans humanisme
Quand les temps sont difficiles, il faut savoir faire preuve d'humanisme. On ne peut décemment pas, lorsque l'on est censé représenter le peuple, tourner le dos au plus grand nombre et ne soutenir que les plus puissants. On doit comprendre les uns et les autres, faire preuve de pédagogie et d'humilité, et tout faire pour améliorer les choses. Force est de constater que si la situation ne fait qu'empirer dans les mois qui viennent, le gouvernement de la France sera ferme à l'égard de ceux qui ont tout perdu et ne permettra pas que leur colère s'exprime. Et honnêtement, je doute que la situation s'améliore...
Le Premier Ministre prend parti pour la direction d'Air France
Inquiétude
Le sentiment qui domine aujourd'hui, c'est l'inquiétude. J'observe que rien n'est fait, lorsque c'est possible, pour limiter la casse sociale. Lorsque ce n'est pas possible, rien n'est fait pour anticiper la crise, expliquer la nécessité du changement, et proposer ou soutenir des alternatives. L'État montre qu'il n'est pas apte à vivre une crise sociale majeure, car il use exclusivement de la fermeté et de la peur qui ne pourront jamais rien résoudre. Il semble incapable de proposer un nouveau projet et se contente d'écoper et de coller des rustines. Ce n'est pas vraiment propre à ce gouvernement, mais celui-ci avait promis le changement, un changement socialiste, c'est-à-dire en faveur d'une organisation économique et sociale plus juste. Le sentiment de trahison n'en est que plus intense pour les plus modestes.
Rassembler
Je m'efforce toujours de mettre en avant le besoin de rassembler tous les acteurs de la société quels qu'ils soient. Nous sommes face à un défi immense: réinventer une nouvelle manière de vivre en quelques décennies. Le climat, l'énergie, les ressources, l'économie, la démographie, la pollution nous l'imposent. Depuis des années je fais en sorte d'expliquer, à qui veut l'entendre, qu'il faut éviter la défiance et se serrer les coudes, car nous avons besoin:
- des citoyens sans qui rien ne sera jamais possible, pour porter le changement, l'innovation sociale, la solidarité, la gestion durable des bien communs
- d'un État fort qui soutient les territoires, défend leurs intérêts et organise la péréquation
- des acteurs économiques qui doivent continuer à répondre aux besoins des citoyens tout en accompagnant la transition par la mobilisation des outils productifs
- des médias pour diffuser les bonnes pratiques, mettre en valeur cette nouvelle société qui se dessine, donner envie plutôt que faire peur.
L'union de toutes les forces me semble indispensable pour relever le défi, mais si l'État ne joue pas le jeu du respect, de l'égalité, de l'intelligence et de l'anticipation, alors ce rassemblement n'aura pas lieu et le pire deviendra possible.
En attendant, et malgré tout, chacun peut et doit faire sa part pour engager ce changement qui ne peut plus attendre.
guillaume 12/11/2015 18:34
VAB 03/05/2016 18:03
Benoît Thévard 13/11/2015 10:39
Vincent 24/10/2015 23:15
Jeff 18/10/2015 11:43
Mickaël 16/10/2015 21:44
Renaud 15/10/2015 10:34